Burnout : osez en parler

Burnout :Osez en parler
E.Grebot 2
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Le burnout :
c’est « s’user, s’épuiser, craquer en raison de demandes excessives d’énergie, de forces ou de ressources »

L’épuisement professionnel ou burnout s’illustre par une flamme de bougie qui s’éteint

L’épuisement professionnel ou burnout est un syndrome qui comporte les 3 manifestations suivantes :

Une personne épuisée professionnellement présente

  1. Un fort épuisement émotionnel ;
  2. Une dépersonnalisation élevée,
  3. Une baisse de l’accomplissement personnel.

 


Certaines personnes souffrent seulement d’épuisement émotionnel, d’autres seulement de dépersonnalisation ou d’une baisse d’accomplissement personnel. De plus, les manifestations du burnout dépendent du secteur professionnel, de l’activité professionnelle, du métier, de l’ancienneté, du genre et de l’âge. Par exemple, de nombreux jeunes professionnels connaissent une forte désillusion de l’activité professionnelle qu’ils avaient idéalisée totalement.

EXEMPLE :
Au sein de l’Education Nationale, les manifestations du burnout sont différentes chez les différents professionnels (enseignants du primaire, secondaire etc.; conseiller d’éducation, conseiller d’orientation, chef d’établissement (lire l’enquête MGEN sur internet).

 
Le burnout : un processus plutôt qu’un état

Selon    Christina    Maslach,    l’épuisement    émotionnel    initie    le    phénomène    en    générant    la dépersonnalisation qui entraîne une baisse de l’accomplissement personnel.

Selon Golembiewski et Munzenrider, la dépersonnalisation initie le processus qui évolue à travers 8 phases.

 


Les recherches théoriques et empiriques valident le modèle de Maslach.

COMMENT FAIRE FACE EFFICACEMENT AUX SITUATIONS STRESSANTES ?

La capacité de faire face à des situations stressantes se nomme coping en anglais du verbe to cope
(faire face) qui désigne un processus d’interaction entre un individu et une situation. Les principaux coping sont centrés sur:
    • La recherche de solution au problème : stratégie vigilante;
    • L’émotion : stratégie évitante ;
    • La recherche de soutien social.

Les stratégies de coping jouent un rôle essentiel dans le burnout : elles modèrent l’émergence du burnout.

CONSEIL : IDENTIFIER VOS STRATEGIES DE COPING ET TESTEZ DES STRATEGIES PLUS EFFICACES

 

Le coping est une notion qui revient à Lazarus et Folkman, inventeurs d’un modèle du stress, dit modèle transactionnel du stress où le burnout représente l’issue négative d’un processus complexe schématisé ci-dessous.

Le burnout est considéré comme l’issue de multiples antécédents et de transactions (coping), selon le modèle transactionnel (Lazarus et Folkman, 1984) ou multifactoriel du stress (Bruchon-Schweitzer, 2001).

Les antécédents organisationnels (facteurs de stress : surcharge, compétition, pression, etc.) interagissent avec de multiples antécédents psychologiques (traits de personnalité, croyances, schémas cognitifs, cf. tableau ci-dessous).

Les antécédents organisationnels et psychologiques interagissent avec les stratégies de coping considérées comme variables transactionnelles ou modératrices (Andreassen et al., 2010, 2012; Shimazu et al., 2010).

L’issue de ce processus peut être :

  • Positive : épanouissement, accomplissement personnel, bien être ;
  • Négative : épuisement professionnel, épuisement émotionnel, mal être.

NOTRE RECHERCHE

Le but était d’explorer le déni du burnout car les individus épuisés tardent à consulter un (e) psychologue et ce sont souvent les médecins ayant prescrit l’arrêt de travail qui conseillent un accompagnement psychologique. Mais, plus le burnout est sévère, plus la reconstruction est longue.

 

UN CONSEIL : CONSULTEZ dès les PREMIERS SIGNES D’EPUISEMENT

BURNOUT ET WORKAHOLISME

Plusieurs travaux observent une relation entre burnout et workaholisme (Schaufeli et al; Taris et al, 2010).

Dans notre recherche, nous nous attendions à ce que les individus ayant des scores élevés dans les trois composantes du burnout (épuisement émotionnel, dépersonnalisation, baisse d’accomplissement personnel) aient des scores significativement plus élevés dans les trois composantes du workaholisme (travailler excessivement, tendance compulsive à travailler, faible satisfaction). Nous avons proposé des questionnaires de burnout, de workaholisme , de coping et de défenses à 156 employés ou entrepreneurs.


QUESTIONNAIRES

Evaluation du burnout : l’épuisement professionnel est estimé à l’aide du Maslach Burnout Inventory validé en français par Lheureux et al. (2017). Il est composé de 22 items cotés à l’aide d’une échelle allant de 0 (jamais) à 6 (chaque jour). Ce questionnaire permet d’évaluer

  • L’épuisement émotionnel ;
  • La dépersonnalisation;
  • L’accomplissement personnel ;
  • L’épuisement professionnel (score total).

 

Evaluation du workaholisme
Le questionnaire de Spence et Robbins (Workaholism Battery - WorkBAT) : ce questionnaire est composé de 25 items. Les sujets répondent sur une échelle de Likert en 7 points. La validation de la version française par Grebot et al. confirme la tendance compulsive à travailler et la satisfaction au travail mais, invalide la sous échelle d’implication au travail, définie par Spence et Robbins comme le temps consacré au travail. Ce temps de travail est évalué, ici, à l’aide de la sous échelle Travailler excessivement de l’échelle Dutch Work Addiction Scale.
 

L’échelle Dutch Work Addiction Scale (DUWAS) : l’échelle DUWAS comporte 10 items dont cinq évaluent la dimension Travailler excessivement et cinq items estiment la dimension Travailler compulsivement (« je me sens obligé de travailler dur, même quand ce n’est pas agréable »). Les sujets répondent à l’aide d’une échelle de Likert en quatre points (1=jamais, 4=toujours). Guédon et Bernaud ont validé une version française de l’échelle DUWAS.
 

Evaluation des stratégies de coping : l’échelle abrégée de coping Brief COPE, validée auprès d’une population française (Muller et Spitz), permet d’évaluer 14 stratégies de coping à savoir coping actif, planification, recherche de soutien social instrumental, recherche de soutien social émotionnel, expression des sentiments, désengagement comportementale, distraction, blâme, réinterprétation positive, humour, déni, acceptation, religion et utilisation de substances. Nous avons utilisé la version situationnelle de l’échelle de coping. Les réponses sont données sur une échelle de Lickert de 1 à 4 (pas du tout, de temps en temps, souvent et toujours).
 

Evaluation des défenses : les participants ont complété la version en 28 items du questionnaire de style défensif de Bond (DSQ 28). Les réponses sont données sur une échelle de Lickert en neuf points. La validation française du DSQ 28 items (Saint-Martin et al.) permet d’évaluer l’activisme, l’agression passive, l’annulation rétroactive, l’anticipation, le clivage, le déni, la fantaisie autistique, la formation réactionnelle, l’humour, l’idéalisation, l’isolation, le pseudo-altruisme, la rationalisation, la répression, la sublimation.


PARTICIPANTS

L’échantillon est composé de 156 salariés (78 hommes et 78 femmes), d’âge moyen de 41 ans. Le temps de travail hebdomadaire moyen s’élève à 42 heures, avec un maximum de 70 heures. Ils sont majoritairement diplômés de l’enseignement supérieur, cadres supérieurs ou ingénieurs, cadres moyens ou techniciens, indépendants ou entrepreneurs. Nous avons privilégié une population de cadres, managers, entrepreneurs car ils sont significativement plus engagés dans leur travail et le risque du workaholisme est plus élevé (Mäkikangas et al., 2012 ; Taris et al., 2010).

 

RESULTATS

Nous avons répartis nos participants en fonction de leurs scores qui peuvent être supérieurs ou inférieurs aux moyennes observées par Lheureux et al, lors de leur validation du questionnaire de burnout en population française.

Concernant l’épuisement émotionnel, une moitié de l’échantillon (52%) a des scores supérieurs à la moyenne et, l’autre moitié (48%) des scores inférieurs ou égaux à la moyenne de Lheureux et al.

Parmi les 52% de sujets épuisés, la moitié (51%) a des scores supérieurs à la moyenne de dépersonnalisation et l’autre moitié (49%) des scores inférieurs à la moyenne de dépersonnalisation. Parmi les 48% de sujets non épuisés, 83% ont des scores de dépersonnalisation inférieurs à la moyenne.

Conclusion :

Les individus qui obtiennent des scores significatifs dans

  • 0 manifestation de burnout représentent un quart de l’échantillon (G8)
  • 1 manifestation représentent un quart de l’échantillon (G4&G6&G7)
  • 2 manifestations du burnout représentent un tiers de l’échantillon (G2& G3&G5)
  • 3 manifestations du burnout représentent 13% de l’échantillon (G1)

 


BURNOUT ET COPING

L’épuisement émotionnel et la dépersonnalisation sont corrélés significativement aux stratégies de coping
Désengagement et Déni (p<.01).

Le groupe Risque de burnout (G1) comparé au groupe non burnout (G8)

    1- active plus les coping inefficients Déni, Désengagement et Recours aux substances :

    2- active moins les coping actifs Soutien instrumental et Réinterprétation positive :


Les stratégies de coping Déni et Désengagement différencient également d’autres sous groupes à savoir :

  • Épuisement émotionnel élevé / épuisement émotionnel faible.
  • Dépersonnalisation élevée / dépersonnalisation faible.

 

Conclusion : Les stratégies de coping Déni et Désengagement sont caractéristiques des individus souffrant d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation ou d’épuisement professionnel.

 

BURNOUT ET DEFENSES

Le groupe Risque de burnout (G1) active plus que le groupe Non burnout (G8) 5 défenses immatures :

Le groupe Risque de burnout active moins les défenses matures suivantes :

Le groupe Epuisement émotionnel élevé comparé au groupe épuisement émotionnel faible :

  • Active plus l’annulation rétroactive, l’isolation, l’activisme, la fantaisie autistique, le clivage et la somatisation.
  • Active moins l’humour et la sublimation.

 

Parmi les individus non épuisés, ceux qui ont des scores élevés de dépersonnalisation comparés à ceux qui ont des scores faibles de dépersonnalisation,

  • Activent plus l’isolation, l’activisme, le déni et le clivage ;
  • Activent moins l’altruisme.

 

BURNOUT et WORKAHOLISME

Epuisement professionnel et workaholisme

Les sujets présentant un risque de burnout (G1) ont des scores significativement plus élevés que les sujets sans burnout (G8) dans les trois composantes du workaholisme.

Epuisement émotionnel et workaholisme

Les sujets ayant des scores d’épuisement émotionnel élevés ont des scores significativement plus élevés dans les trois composantes du workaholisme.

Ces résultats vont dans le sens des relations observées entre le workaholisme et le burnout. Certains auteurs considèrent que le workaholisme joue un rôle médiateur dans le burnout.


Il est important d’évaluer le burnout et le workaholisme

IMPLICATION THERAPEUTIQUE

Le travail du psychologue avec un salarié en souffrance vise une prise de conscience en vue de reconstruire un équilibre satisfaisant vie privée-vie professionnelle. L’identification des stratégies de faire face représente une étape du travail avec un individu souffrant d’épuisement émotionnel ou de dépersonnalisation dans la mesure où les coping Déni et Désengagement sont sur activés par ces individus. L’apprentissage de coping actif apparaît comme la phase suivante du travail d’accompagnement de l’individu épuisé dans la mesure où car le coping actif est négativement lié aux problèmes de santé.

Dans le champ des défenses, les individus souffrant d’épuisement émotionnel et professionnel sur activent l’isolation, le clivage, l’activisme, la somatisation. En revanche, l’humour qui est plus activé par les individus sans burnout est une défense mature qui joue un rôle protecteur salutaire. Le Déni est uniquement sur activé chez les individus présentant une dépersonnalisation élevée.

La détresse psychologique peut être soulagée à court terme par l’isolation qui peut devenir, à long terme, problématique en isolant le sujet de son propre ressenti émotionnel par la création d’une cuirasse émotionnelle (Grebot et Berjot, 2012). Le fonctionnement défensif d’isolation excessive devient pathogène dans les registres émotionnels et cognitifs car une rupture des relations entre les cognitions et les émotions rigidifie le fonctionnement psychique et diminue la flexibilité cognitvo – émotionnelle.

La suractivation de la défense activisme chez les sujets épuisés émotionnellement et professionnellement nous rappelle que Christophe Dejours et Elisabeth Grebot nomment le workaholisme : activisme professionnel car le néologisme associant travail (work) et addiction (alcoholism) suggère à tort , selon ces auteurs, que le workaholisme est une addiction. Les sujets souffrant de burnout présentent des scores plus élevés dans les trois composantes du workaholisme (travailler excessivement, tendance compulsive à travailler, faible satisfaction). Nos résultats vont dans le sens des relations observées entre workaholisme et burnout mais les premiers candidats à l’épuisement émotionnel et à la dépersonnalisation sont les workaholiques non enthousiastes et non, les workaholiques comme le défend la littérature académique qui regroupe à tort, workaholiques non enthousiastes et enthousiastes.
 

Articles et ouvrages en français

 

Bruchon-Schweitzer M. Psychologie de la santé. Modèles, concepts et méthodes. Paris: Dunod; 2002. Chabrol H, Callahan S. Mécanismes de défense et coping. Dunod, 2004.

Grebot E, Berjot S. Défenses et dépersonnalisation de la relation enseignante et soignante. Annales Médico Psychologiques 2012;170(8):554-61.

Grebot E, Berjot S, Lesage F.-X., Dovero M. Schémas précoces inadaptés, activisme professionnel et épuisement professionnel chez des internes en médecine. J Ther Comport Cogn 2011;21(2): 43-52.

Guédon DJ, Bernaud J L. Le workaholisme dans une université française: une perspective transactionnelle. Pratiques Psycholiques 2015;21(1):71–85.

Ionescu S, Jacqut MM, Lhote C. Les mécanismes de defense. Théorie et clinique. Nathan.1997.

Muller L. Spitz E. Evaluation multidimensionnelle du coping:validation de la Brief COPE sur une population française. Encéphale 2003, 29(6): 507-18.

Truchot D. Epuisement professionnel et burnout. Dunod.2004.

 

Articles et ouvrages en anglais

Andreassen CS, Hetland J, Pallesen S. Personal characteristics, working performance, and individual health. TPM-Test Psychomet, Method Appl Psychol 2012;19(4):281-90.

Andreassen CS, Hetland J, Pallesen S. The relationship between workaholism, basic needs satisfaction at work and personality. Eur J Pers 2010;24:3-17.

Lheureux F, Truchot D, Borteyrou X, Rascle N.The Maslach Burnout Inventory – Human Services Survey (MBI-HSS): factor structure, wording effect and psychometric qualities of known problematic items among a large sample of French healthcare providers.In press..

Mäkikangas A, Feldt T, Kinnunen U, Tolvanen A. Do low burnout and high work engagement always go hand in hand? Investigation of the energy and identification dimensions in longitudinal data. Anx Stress Cop 2012;25:93-116.

Saint-Martin C, Valls M, Rousseau A, Callahan S, Chabrol H. Psychometric Evaluation of a Shortened Version of the 40-item Defense Style Questionnaire. Int J Psychol PsychologicTher 2013;13(2):215-24.

Schaufeli W B, Bakker A.B, Van der Heijden F M, Prins J T. Workaholism, burnout and well-being among junior doctors: The mediating role of role conflict. Work Stress 2009;23(2):155-72.

Schaufeli WB, Taris, TW, van Rhenen, W. Workaholism, burnout, and work engagement: Three of a kind or three different kinds of employee well-being? Appl Psychol 2008;57:173-203

Spence JT, Robbins, A S. Workaholism: definition, measurement and preliminary results. J Pers Ass 1992;58(1):160–78.

Taris TW, van Beek I, Schaufeli WB. Why do perfectionists have a higher burnout risk than others? The mediational effect of workaholism. Roman J Appl Psychol. 2010;12:1–7.